Savoir déguster

« Appréhender les difficultés que l’on peut rencontrer est un extraordinaire stimulant pour approcher la « dégustation parfaite », jamais atteinte donc toujours plus désirable »

- Emile Peynaud - 

Les mécanismes de la dégustation

Quelles sont les phases qui entrent en jeu au cours d’une dégustation ?

Il y a tout d’abord une sensation purement physique ou notre nez est excité par une molécule odorante : « Je sens une odeur ». Il y a ensuite une perception qui annonce la présence de la sensation au cerveau en la confrontant à notre mémoire : « Je sens une odeur qui me rappel mon enfance ». Il y a enfin une expression qui caractérise la perception au travers du filtre de la culture et du langage : « Cela sent le chocolat amer».

Pourquoi est-il important de comprendre chacune de ces phases ?

La chaîne des informations étant liée, la modification de l’une de ces phases aura des conséquences sur notre appréciation finale ! Par exemple : - Une consommation de café avant une dégustation de vin aura inévitablement u ne incidence sur notre sensation gustative -Une fatigue excessive nuira à l’efficacité de notre mémoire - Une insuffisance de vocabulaire amputera notre expression.

Travaillez ses sens pour mieux déguster

Comment progresser en dégustation ?

Il faut en premier lieu comprendre les sens qui entrent en jeu dans la dégustation pour mieux percevoir ses propres forces et faiblesses : c’est l’étape de compréhension. 
Coupés dès l’enfance des richesses odorantes et gustatives de la nature, nous avons tendance à perdre l’usage de nos sens. Comme un aveugle retrouve l’acuité de son ouie, il est possible pour tout un chacun de travailler à retrouver ses potentialités olfactives et gustatives : c’est l’étape d’éducation. 
Enfin, tout comme un muscle, nos sens et notre mémoire nécessitent un entraînement régulier pour accroître leurs capacités : c’est l’étape d’entraînement.

Quels sens entrent en jeu lors d'une phase de dégustation ?

Répertorions les principaux organes, sens et caractères perçus lors de la dégustation : 

OrganesSensCaractères perçus
OeilVisionCouleur, brillance, fluidité, effervescence
NezOlfaction directeBouquet
Olfaction rétronasaleArômes de bouche
BoucheSensations aromatiquesGoût ou flaveur
Sensations physiquesAstringence, pétillant, fluidité ou gras, température, vivacité, sucrosité

Utiliser le verre à vin

Quand est né le verre à vin ?

Le verre en cristal transparent est né au 17ème siècle et la forme « ballon » a vu le jour au 19ème

Quelles spécificités recherchent on dans un verre ?

On le souhaite de grande taille pour faciliter l’olfaction et la prise du vin en bouche ; lisse pour ne pas gêner la vision ; en cristal mince de façon a avoir un buvant le plus fin possible et à pied pour faciliter la prise en main et ne pas chauffer le vin. 

Comment manipule-t'on le verre ?

Cette prise en main du verre se fait généralement par la jambe du verre (ou tige reliant le pied du verre au corps) qui doit être elle aussi lisse et débarrassée de tout relief inopportun. Il n’est pas nécessaire de prendre le verre par le pied pour l’agitation et il est mal vu de prendre le corps du verre à pleine main sauf s’il s’agit de réchauffer un vin un peu froid.

Doit-on complètement remplir un verre à vin ?

Il est important de remplir un verre au tiers de sa capacité afin de faciliter l’agitation. Cette agitation consiste à animer le verre d’un mouvement circulaire afin de déposer du vin sur les parois, ce qui augmente la surface de contact air – vin. Cette technique permet d’amplifier la volatilisation des molécules aromatiques. Un technique aisée pour les débutants est d’imprimer ce mouvement en maintenant le pied du verre sur la table. 

Que sont les « larmes » du vin ?

Les larmes qui se dépose sur les parois du verre lors de l’agitation sont le reflet de la puissance alcoolique du vin et ne sont nullement garant d’une grande qualité ; tous les vins ont cette faculté. 

Comment nettoie-t-on un verre à vin ? 

Le nettoyage des verres doit se faire si possible sans détergents (qui sont souvent aromatisés !) et on préférera les égoutter plutôt que de les sécher avec un tissu. Enfin, il peut être parfois utile, lorsque l’on goutte plusieurs vins à la suite, d’aviner les verres (rinçage des verres avec un peu de vin à déguster).

Observer le vin

L’observation du vin a-t-il une influence sur notre perception en bouche ?

La vue est le premier sens sollicité et elle conditionne énormément la suite de la dégustation. Dégusté en verre opaque, il est parfois très difficile, même pour un dégustateur averti, de distinguer un vin blanc sec, d’un rosé, d’un rouge très peu tannique ! On constate par ailleurs une étroite corrélation entre la couleur et les descripteurs aromatiques utilisés. Ainsi, on utilise régulièrement des descripteurs de fruits rouges pour décrire un vin rouge ou un vin blanc additionné de colorant rouge !

Quels sont les paramètres visuels auxquels il faut porter attention ?

La couleur peut être analysée selon plusieurs critères. L’examen visuel se fait en plaçant le verre à la lumière du jour, devant une fenêtre ou sur un fond blanc. 
L’intensité colorante préfigure la structure du vin : un vin sombre et profond sera structuré et riche en sensations tanniques alors qu’un vin peu coloré et léger sera plus souple et plus aérien. 
La teinte illustre souvent le degré d’évolution et l’âge des vins. Ainsi, le vin rouge vire du pourpre au brun jusqu’à l’ocre et le vin blanc passe d’un jaune pâle aux reflet verts à des jaunes plus foncés aux nuances dorées. 
La limpidité ou brillance dépend de la façon dont a été « nettoyé » le vin des levures inhérentes à sa production. C’est un facteur d’appréciation visuel important : un vin chargé ou trouble sera généralement moins apprécié de l’amateur même si sa formation est naturelle avec le temps.

Le cépage a-t-il une influence sur la couleur du vin ?

Certains cépages ont tendance à imprimer au vin leurs caractéristiques visuelles. Pour exemple, citons le pinot noir de Bourgogne qui est un cépage conférant naturellement une faible intensité colorante aux vins ou le merlot de Bordeaux qui possède quant à lui beaucoup de pigments colorés rouge vif.

Sentir le vin

Quels paramètres influent sur l’olfaction des vins ?

L’olfaction est fortement influencée par la forme et le volume des verres, par le niveau de vin et son agitation, mais aussi par la position du nez dans le verre. Les molécules odorantes sont en suspension au dessus du vin et sont plus concentrées quand le vin est agité et quand l’embouchure du verre est resserrée.

La technique professionnelle d’olfaction en trois étapes 

La première étape consiste à sentir le verre tout juste rempli sans le remuer : on ne perçoit que les arômes les plus diffusible. 
La seconde olfaction a lieu juste après avoir agité le vin : les aromes sont exaltés. 
Enfin, la troisième étape repose sur l’olfaction du verre vide : les arômes les plus lourds sont perçus.

Comment inspirer ? 

Il est nécessaire de contrôler sa respiration et d’inhaler de façon plus ou moins profonde en fonction de la puissance des vins. 
En pratique, des séries de deux trois inspirations d’une durée deux à trois secondes permettent de bien cerner le profil aromatique. Un léger temps de repos entre chaque série doit être respecté afin de ne pas saturer les récepteurs sensoriels. L’exercice est difficile et demande une grande concentration afin de mobiliser toute son attention sur le ressenti et son analyse.

Quelles sont les grandes familles aromatiques que l’on trouve dans les vins ?

Les substances odorantes du vin peuvent être classée en neuf grandes familles : 
Animale : surprenante mais parfois présente – 
- Fourrure, écurie, gibier, urine de chat…
Boisée : issue de dérivés du bois 
- Résine, sapin, chêne, santal, mine de crayon… 
Chimique : rarement désirée 
- Vinaigre, pétrole, soufré, désinfectant…
Epicée : regroupant divers épices ou aromates
- Menthe, cannelle, girofle, thym…
Empyreumatique : caractérisé par des odeurs de brûlé 
- Café, cigare, goudron, chocolat… 
Ethérée : provenant des levures 
- Miel, yaourt, levure, savon…
Forale : évoque des fleurs 
- Acacia, rose, citronnelle, géranium…
Fruitée : évoque les fruits 
- Fruit rouge, fruit exotiques, fruit à noyau… 
Végétale : évoque la plante verte 
- Gazon tondu, feuille séchée…

Arômes de cépages, arômes de levures ou arômes d’évolution ?

On classe souvent les arômes du vin en trois catégories. 
Les arômes primaires ou arômes variétaux relèvent souvent de la série végétale, florale ou fruitée), 
Les arômes secondaires ou arômes fermentaires évoquent la série éthérée
Les arômes tertiaires ou arômes d’évolution rappellent la série épicée, empyreumatique, boisée, balsamique, animale ou chimique.

Quels paramètres influent sur les arômes ? 

Le cépage confère au vin son aromaticité au travers des molécules odorantes présentes dans les baies de raisin : c’est l’arôme primaire. 
- Selon le cépage, le terroir et la maturité à la date de récolte, ces arômes varient énormément ; c’est une grande source de diversité dans les vins. 
Durant les vinifications, les levures transforment le sucre du raisin en alcool et synthétisent de nombreuses substances qui auront une importance gustative capitale pour le futur vin : c’est l’arôme secondaire des vins. 
- En fonction des conditions de vinifications (état du raisin, levure, température…) ces derniers peuvent être grandement modifié. 
Enfin, on constate que durant la conservation des vins, les arômes évoluent et changent : c’est l’arôme tertiaire. 
- Les conditions de conservations (température, luminosité) entraîneront l’apparition plus ou moins précoce de ce bouquet.

Goûter le vin

Comment prendre le vin en bouche ?

Il n’y a pas de technique universelle mais tous les opérateurs procèdent sensiblement de la même manière ; le plus important étant de reproduire à l’identique sa méthode lors de dégustation comparatives. 
Le volume de liquide à introduire doit être assez faible, de l’ordre de 6 à 10 millilitres. Ne pas en prendre assez conduit à une dilution trop importante du vin dans la salive ; en prendre trop gène sa circulation dans la cavité buccale et sur la langue. 
Une fois la prise effectuée, le vin est remuée doucement sur l’ensemble des muqueuses ce qui stimule la salivation. Une ou de légères déglutitions sont réalisées afin de faire apparaître un « arrière goût ». 
De petites et discrètes inspirations d’air sont réalisées puis expirées par le nez. Cela provoque une émulsion du vin en bouche et un réchauffement qui permet une diffusion des molécules aromatiques dans l’arrière nez.

Faut il recracher le vin ? 

Dans une dégustation professionnelle ou de nombreux vins sont échantillonnés, il convient de recracher le plus entièrement possible la gorgée de vin. En revanche, pour une dégustation amateur, le rythme est moins soutenu et une telle discipline n’est pas nécessaire. Il faut aussi porter une attention particulière aux impressions après avoir recraché quant à la longueur des sensations encore présentes. Il faudra laisser une dizaine de secondes avant de pouvoir goûter a nouveau un autre échantillon sous peine de ne pas apprécier avec finesse les différences.

Faut il manger pendant les dégustations ? 

Pour ce qui est de manger pendant la dégustation, il faut privilégier les aliments neutres (sans sucre, sans arômes, sans épices…). Du pain ou des biscuits secs feront parfaitement l’affaire. Il faut éviter à tout prix les aliments qui altèrent la tannicité des vins comme le sont le fromage, les noix ou les fruits secs.Quelles sont les saveurs à appréhender dans un vin ? 
On reconnaît aujourd’hui cinq saveurs fondamentales appartenant aux sensations gustatives : le sucré, l’acide, le salé, l’amer et le glutamate. La sensibilité des saveurs est variable : le sucré est détecté immédiatement mais de faible persistance ; les saveurs salés et acides sont rapides à percevoir mais beaucoup plus persistantes ; la saveur amère est lente à se développer mais très persistante.
On retrouve dans la composition du vin des familles chimiques appartenant à ces cinq saveurs. Celles ci sont généralement perceptibles par tous mais les seuils de détection sont variables d’un individu à l’autre. Evidemment, la pratique de la dégustation affine la perception même si elle ne change pas le seuil de détection !

Quelles sont les sensations physiques auxquelles il faut prêter attention ? 

Outre ces saveurs fondamentales, on distingue des sensations sensorielles correspondant à une réponse d’alerte des muqueuses à l’agression de certaines molécules : la sensibilité tactile comme le pétillant d’une bulle de Champagne, la sensibilité de causticité ou de brûlure donné par un alcool fort ou l’astringence du vin (impression de sécheresse ou de rugosité) en font partie.

Les sensations en bouche évoluent elles au cours du temps ?

Trois phases se distinguent au cours de la dégustation d’un vin rouge.
L’attaque est la première impression que l’on a lors de la prise en bouche du vin ; elle est caractérisée par une dominante sucrée apportée par l’alcool. 
L’évolution correspond à la transformation de ces premières saveurs. 
L’impression finale est caractérisée par le développement des saveurs amères et tanniques.

Comment définit on la bouche d’un grand vin ?

Un grand vin est caractérisé par une attaque et une évolution lente ainsi que par une impression finale de souplesse, de longueur et d’harmonie. 
Les petits vins sont courts en bouche, parfois dure et peuvent développer des goûts peu appréciables en finale.

La notion d’équilibre dans les vins

Vins équilibrés VS vins déséquilibrés ?

L’harmonie d’un vin prend sa source dans 
- Le triple équilibre entre arômes, saveurs et sensations sensorielles,
- La noblesse de chacun des attributs considéré isolement.
Pour exemple, les Beaujolais primeurs développent des arômes de banane et de fruits rouges, une sensation gustative marquée par une acidité modérée ainsi qu’une sensation sensorielle caractérisée par une souplesse de tannins. L’harmonie du produit révèle des attributs gouleyants. 
Autre exemple, les grandes syrah du Rhône développent des arômes de violette et d’épices douces, une sensation gustative marquée par une légère acidité et une sensation sensorielle de concentration tannique. L’harmonie du produit provient de sa puissance aromatique et tannique.

Le service du vin

D’où viennent les dépôts que l’on peut rencontrer dans certaines bouteilles ?

Il y a deux types de dépôt pouvant apparaître dans un vin. 
Dans les vins jeunes (blancs ou rouges), des précipitations de cristaux de tartre peuvent apparaître. Ils sont naturels, d’aspect blanchâtre et facilement séparable du vin.
Dans les vins conservés quelques années (rouge uniquement), il peut se déposer des lies issue de la condensation de matière colorante. Si la bouteille a été stockée horizontalement, il convient de la redresser sans la secouer pendant 24 à 48 heures pour que les lies se redéposent. Il peut être alors utile de décanter les vins afin de ne pas gêner la dégustation en remettant en suspension ce dépôt.

Pourquoi décanter les vins en carafe ? Est-ce nécessaire pour tous les vins ?

Le passage en carafe des vins trouve son intérêt dans l’oxygénation intense qu’il provoque. Il va de soi que plus la carafe est évasée, plus l’apport d’oxygène sera important. 
Il faut éviter de décanter certaines vieilles bouteilles, car leur bouquet, fruit de processus de réduction accomplis lentement à l’abri de l’air, disparaît ou s’atténue à la suite d’une aération même légère. 
Pour ce qui est des vins jeunes ou présentant de léger défaut (manque de netteté olfactive, présence de gaz, maigreur anormale…) une décantation anticipée est nécessaire.

Que signifie chambrer un vin ? 

Tempérer ou chambrer un vin consiste à lui donner la température choisie pour le boire. C’est donc soit le refroidir soit le réchauffer. Cette étape est primordiale et doit faire l’objet d’un soin particulier. L’influence sur nos impressions olfactives et gustatives est telle qu’un écart d’un seul degré est perceptible entre 10 et 20°C. Physiquement, l’élévation thermique favorise l’évaporation des substances volatiles odorantes. 
Quelques règles peuvent être établies concernant la perception aromatique : en deçà de 8°C tous les arômes son neutralisés ; de 8 à 12 °C ils sont diminués ; exaltés de 12 à 18°C et l’alcool prend le pas au-delà.

A quelle température doit on servir les vins ?

De manière assez schématique, plus un vin est tannique, plus il doit être servi tempéré (18°) et plus un vin est fruité, plus il peut être servi frais (15°). Par ailleurs, plus les vins sont vineux (ou riche en alcool), plus ils doivent être servi frais de façon à atténuer la chaleur de l’alcool. En pratique, les lieux de consommation ont des températures bien supérieures à celle à laquelle il convient de servir le vin, il faut donc prendre en considération qu’une bouteille sortie en début de repas verra sa température augmenter !